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La communication simultanée des pièces dans la procédure de droit commun devant la Cour d'appel

  • JD
  • 13 oct. 2015
  • 5 min de lecture

Devant la Cour d’appel, la procédure ordinaire est une procédure civile, écrite, avec représentation obligatoire et avec mise en état. Dans ce contexte procédural, l’article 906 du code de procédure civile dispose :


« Les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie ; en cas de pluralité de demandeurs ou de défendeurs, elles doivent l'être à tous les avocats constitués.


Copie des conclusions est remise au greffe avec la justification de leur notification. »


Bien souvent, la méconnaissance des termes de procédure civile induit l’erreur sur le sens du texte. À cela, il convient ajouter la volonté de nombreux plaideurs de rechercher une issue lorsqu’un délai de procédure n’a pas été respecté. Ainsi, il est très fréquent qu’une partie n’ayant pas conclu dans le délai lui étant imparti oppose le défaut de communication simultanée des pièces pour invoquer l’irrecevabilité des conclusions de son adversaire.


L’intimé en déduit l’irrecevabilité des conclusions d’appel, ou de la signification des conclusions, et donc la caducité de la déclaration d’appel. Alors que l’intimé incident et l’intimé sur appel provoqué en déduisent l’irrecevabilité de l’appel incident et de l’appel provoqué. Or chacun d’eux se méprend.


1. Le sens des termes du texte


Les dispositions de l'article 906 du code de procédure civile ne sont pas visées par les termes de l'article 911 du même texte qui prévoit la signification des seules conclusions. En effet, l'article 906 n'impose qu'une simple communication des pièces, simultanément à la notification des conclusions.


Or une notification n'est pas une signification.


Les termes sont distincts. Ils ont donc un sens propre. Une notification suppose une transmission d’acte ou de pli portant la preuve de la simple délivrance de cet acte ou de ce pli. Une signification est une notification effectuée par voie d’huissier, et donc une transmission portant la preuve de la manière dont il a été délivré.


C’est pourquoi, l'article 906 prévoit textuellement que la communication simultanée ne doit être effectuée qu'auprès de tous les avocats d’ores et déjà constitués lors de la notification des conclusions.


2. L'absence d'irrégularité des conclusions


L'article 906 du code de procédure civile n'édicte par lui-même aucune sanction en cas de défaut de communication des pièces simultanément à la notification des conclusions. La Cour de cassation a d’ailleurs mis ce point en évidence par la suite. (Cass. 2° civ. 29/01/15, pourvoi n°13-24425 et 14-10827 ; Cass. 2° civ. 29/01/15 pourvoi n°13-24424)


La question se pose alors de savoir s’il existe une sanction qui soit issue d’un autre texte. Entre irrecevabilité des conclusions et rejet des pièces, la discussion s’est développée à partir de l’Avis du 25/06/12 de la Cour de cassation : (Avis n°1200005)


« Doivent être écartées les pièces, invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions. »


Le premier élément de réponse est donc que les pièces ne peuvent qu’être rejetées. Il n’en résulte aucune irrégularité des conclusions, qu’elles soient notifiées ou signifiées. Le défaut de communication simultanée relève tout au contraire purement et exclusivement du principe du contradictoire. Il doit ainsi s’appliquer les dispositions des articles 15 et 16 du code de procédure civile.


De ce fait, toute communication des pièces est régulière dès lors qu'elle est effectuée en temps utile et le délai pour conclure commence à courir dès la notification ou la signification des conclusions et cela, même en l'absence de communication des pièces. (Cass. 2° civ. 19/03/15, pourvoi n°14-16238 ; Cass. 3° civ. 13/05/15, pourvoi n°13-20881)


C'est ainsi que par arrêt du 30/01/14, la Cour de cassation a définitivement tranché cette question sous ses multiples angles : (Cass. 2° civ. 30/01/14, Bull. civ. II n°26)


"Mais attendu qu'il résulte de la combinaison des articles 906 et 908 du code de procédure civile que seule l'absence de conclusions dans le délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel est sanctionnée par la caducité de l'appel."


"Et attendu que, selon les dispositions de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent."


Dès lors, il importe peu que la notification des conclusions ne soit pas simultanée à la communication des pièces. De même, il importe peu que la signification des conclusions comporte ou non la présence des pièces. En effet, l'absence de simultanéité n'entraîne ni l'irrégularité des conclusions, ni même l'irrégularité de la signification, qui seules sont susceptibles d'entraîner la caducité de la déclaration d'appel.


Ce qui est bien évidement applicable par analogie aux délais de l’article 910 du code de procédure civile. Et partant, l’appel incident et l’appel provoqué ne peuvent être déclarés irrecevables au seul motif du défaut de communication des pièces.


3. L'incompétence du Conseiller de la mise en état


Cette solution jurisprudentielle est finalement fort logique puisque les pièces adverses ne sont finalement pas indispensables pour préparer utilement sa défense au fond. Sans cela, il ne serait nul besoin d’une obligation de loyauté des débats, ni même d’un droit de la preuve.


C’est, en effet, la demande et le moyen argumentant la demande qui fondent le litige. Tel que le rappelle l’article 4 al. 1 du code de procédure civile :


« L’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. »


À le penser ainsi, cela semble une terrible méprise procédurale. Et pourtant, il est d’évidence que le cas échéant, chaque partie peut valablement soutenir l’absence de pièces au soutien des écritures et de même l’absence de preuve. Pour le comprendre, il faut revenir sur le raisonnement.


Par principe, il est désormais admis que le rejet des pièces est l'unique éventuelle sanction d'une communication non simultanée des pièces.


Or par Avis du 21/01/13, la Cour de cassation a relevé l’incompétence du Conseiller de la mise en état pour se prononcer sur ce point : (Avis n°1200017)


« Le conseiller de la mise en état n'est pas compétent pour écarter des débats les pièces, invoquées au soutien des prétentions, qui ne sont pas communiquées simultanément à la notification des conclusions. »


Dès lors, l'appréciation de la régularité d'une communication n'est pas de la compétence du conseiller de la mise en état mais de la compétence de la formation au fond. Le Conseiller de la mise en état n’est ni compétent pour apprécier le moyen, ni compétent pour en tirer quelque conséquence que ce soit.


Or, il est de droit que la demande de rejet des pièces est une demande qui ne peut aucunement être relevée d'office. Il appartient donc à la partie de soulever elle-même au fond le défaut de communication simultanée pour en demander le rejet et par suite le rejet des prétentions non fondées.


Certes la demande de rejet ne sera pas accueillie par la Cour d’appel, si les pièces sont ultérieurement communiquées en temps utile. Il s’agit toutefois d’une issue procédurale extrêmement simple pour chaque partie :

  • L’appelant peut ainsi retarder sa communication de pièces tant qu’elle est effectuée en temps utile,


  • L’intimé, l’intimé incident et l’intimé sur appel provoqué peuvent facilement se dégager de l’exigence du délai pour conclure au fond tout en demeurant libres de relever appel incident ou provoqué, sans répliquer sur le fond aux prétentions adverses.



En conclusions, par ajouts jurisprudentiels successifs, la Cour de cassation a progressivement vidé le sens même du texte et donc l’effet attendu par le législateur. C’est en soi un pragmatisme fort logique qui tend à délester, un peu, les plaideurs et surtout les magistrats du siège. Mais c’est également une manière d’imposer la loyauté des débats par élévation des consciences.


Le plaideur ne communique plus ses pièces par craintes d’un simple manquement procédural. La sanction est en effet relayer à l’ultime défaillance. Il communique donc spontanément avec la volonté d’offrir lui-même un procès équitable à son adversaire et ainsi d’obtenir une décision légitimement admise par tous.

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