Les voies de recours à l'encontre des ordonnances du Juge commissaire
- JD
- 20 oct. 2015
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Le Tribunal de Commerce est une juridiction consulaire, de sorte que par nature les procédures relevant de sa compétence sont des procédures d’exception. En réduisant le champ d’observation au seul contentieux relevant de sa compétence, il apparaît au sein même de cette juridiction que certaines procédures relèvent d’attributions plus spécifiques encore.
C’est le cas du Juge commissaire dont les pouvoirs sont très étendus et spécifiques à sa mission. Il en résulte des voies de droit extrêmement particulières et adaptées à un contentieux délicat, en droit comme en affect, celui des procédures collectives.
1. Le recours par défaut dit de « droit commun »
Cette qualification est bien entendu un abus de langage au sens strict. Un abus justifié par la pratique spécialisée du contentieux relevant du Juge commissaire. En droit, il s’agit plus d’une procédure ordinaire que d’une procédure de droit commun. C’est au sein de la partie règlementaire du code de commerce que sont indiquées les modalités de ce recours.
L’article R. 621-21 al. 4 et suivants du code de commerce dispose :
« Ces ordonnances peuvent faire l'objet d'un recours devant le tribunal dans les dix jours de la communication ou de la notification, par déclaration faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au greffe.
Le ministère public peut également saisir le tribunal par requête motivée, dans les dix jours de la communication qui lui est faite de l'ordonnance.
L'examen du recours est fixé à la première audience utile du tribunal, les intéressés et les mandataires de justice étant avisés. »
Hors le cas du ministère public, la voie de recours ordinaire à l’encontre des ordonnances du Juge commissaire est donc ouverte aux parties :
devant le Tribunal de Commerce,
dans les dix jours de la notification de l’ordonnance,
par déclaration au greffe ou pli recommandé.
Ce recours est une opposition. Par suite, la décision du Tribunal de Commerce statuant sur le recours à l’encontre d’une ordonnance du Juge commissaire est un jugement qui peut lui-même faire l’objet d’un appel devant la Cour d’appel. C’est alors à ce seul instant qu’il y a un retour effectif à la procédure de droit commun.
À ce titre, suivant l’arrêt remarqué du 07/02/12, la chambre commerciale de la Cour de cassation a confirmé que : (Cass. Com, 07/02/12, pourvoi n°10-26.264)
« Les jugements statuant sur les recours formés contre les ordonnances rendues par le juge-commissaire, qui ne sont pas visés par les dispositions spéciales de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises réglementant les voies de recours, sont susceptibles de recours dans les termes du droit commun ; qu'il s'ensuit que le jugement attaqué, qui, bien qu'inexactement qualifié en dernier ressort, était susceptible d'appel, ne peut faire l'objet d'un pourvoi en cassation. »
En conséquence, les contentieux relevant de la compétence ordinaire du Juge commissaire sont à ce point des contentieux d’exception qu’ils ne disposent pas d’un double degré de juridiction, mais bien d’un triple degré de juridiction, sur le fond.
2. La vérification et l’admission des créances
L’article L. 624-2 du code de commerce prévoit que le Juge commissaire est compétent pour décider de l’admission ou du rejet des créances mais aussi pour constater qu'une instance est en cours ou que la contestation ne relève pas de sa compétence.
Toutefois, l’article L. 624-4 du code de commerce dispose :
« Le juge-commissaire statue en dernier ressort dans les cas prévus à la présente section lorsque la valeur de la créance en principal n'excède pas le taux de compétence en dernier ressort du tribunal qui a ouvert la procédure. »
Ainsi, dans le cas spécifique d’une ordonnance prononcée en dernier ressort en raison de sa valeur inférieure au taux de compétence, la seule voie de recours ouverte est celle du pourvoi en cassation.
En revanche, lorsque la décision est prononcée en premier ressort, la situation est plus complexe. En l’état des articles L. 624-3 al. 1° et L. 624-3-1 du code de commerce, le recours à l’encontre d’une ordonnance arrêtant l’état des créances dépend de la qualité de la personne qui entend contester la décision.
En effet, l’article L. 624-3 al. 1° du code de commerce dispose :
« Le recours contre les décisions du juge commissaire prises en application de la présente section est ouvert au créancier, au débiteur ou au mandataire judiciaire. »
Par suite, l’article L. 624-3-1 du code de commerce dispose :
« Les décisions d'admission ou de rejet des créances ou d'incompétence prononcées par le juge-commissaire sont portées sur un état qui est déposé au greffe du tribunal. Toute personne intéressée, à l'exclusion de celles mentionnées à l’article L. 624-3, peut former une réclamation devant le juge-commissaire dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. »
Il existe ainsi en réalité deux recours distincts :
l’un ouvert au débiteur, au mandataire ainsi qu’au créancier concerné et résultant de la combinaison des articles L. 624-3, L. 624-7 et R. 661-3,
l’autre ouvert au tiers et résultant de la combinaison des articles L. 624-8 et R. 624-10 du code de commerce.
a. Le recours ouvert au débiteur, au mandataire et au créancier concerné
En premier lieu, il convient d’observer que la situation du créancier concerné est logiquement plus stricte puisqu’il est soumis à une condition préalable résultant des termes cumulés des articles L. 624-3 al. 2 et L. 622-27 du code de commerce.
En effet, l’article L. 624-3 al. 2 du code de commerce dispose :
« Toutefois, le créancier dont la créance est discutée en tout ou en partie et qui n'a pas répondu au mandataire judiciaire dans le délai mentionné à l'article L. 622-27 ne peut pas exercer de recours contre la décision du juge-commissaire lorsque celle-ci confirme la proposition du mandataire judiciaire. »
L’article L. 622-27 du code de commerce :
« S'il y a discussion sur tout ou partie d'une créance autre que celles mentionnées à l'article L. 625-1, le mandataire judiciaire en avise le créancier intéressé en l'invitant à faire connaître ses explications. Le défaut de réponse dans le délai de trente jours interdit toute contestation ultérieure de la proposition du mandataire judiciaire, à moins que la discussion ne porte sur la régularité de la déclaration de créances. »
Par conséquent, le créancier concerné par l’ordonnance statuant sur sa créance est soumis à l’obligation préalable de discussion du montant de sa créance dans le délai de trente jours à compter de l’invitation qui lui a été délivrée par le mandataire lors de la période d’observation.
En second lieu, il convient d’observer qu’une fois cette condition préalable satisfaite, le créancier concerné retrouve une voie de recours équivalente à celle du débiteur et du mandataire. Telles qu’imposées par l’article L. 624-3 al. 3 du code de commerce, les modalités d’exercice du recours sont prévues par les dispositions règlementaires du texte.
L’article R. 624-7 du code de commerce dispose :
« Le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur l'admission des créances est formé devant la cour d'appel. »
L’article R. 661-3 al. 2 du code de commerce dispose :
« Toutefois, le délai dans lequel le débiteur peut interjeter appel du jugement arrêtant ou rejetant le plan de cession de l'entreprise est de dix jours à compter du prononcé du jugement.
Dans les cas prévus au troisième alinéa de l'article L. 642-1 et à l'article L. 642-7, le greffier notifie la décision, dans les quarante-huit heures de son prononcé, au cocontractant, au cessionnaire ou au bailleur. Le délai d'appel est de dix jours à compter de la notification. »
Ainsi, hors le cas du ministère public, lorsque l’ordonnance du Juge commissaire est prononcée en premier ressort, le recours des parties à l’instance s’effectue :
devant la Cour d’appel,
dans le délai de dix jours à compter de la notification de l’ordonnance,
par déclaration d’appel au greffe de la Cour d’appel.
La procédure alors suivie devant la Cour d’appel est la procédure de droit commun. Dès lors, il est impératif, et ce, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par la Cour d’appel, que la déclaration d’appel soit effectuée devant la Cour d’appel par la seule voie du RPVA. L’unique exception étant bien entendu le cas de l’empêchement légitime.
b. Le recours ouvert aux tiers
Tel qu’imposés par les termes de l’article L. 624-3-1 du code de commerce, le Conseil d’État a fixé dans la partie règlementaire du code de commerce la forme et le délai du recours des tiers à l’encontre des ordonnances du Juge commissaire statuant sur l’admission ou le rejet des créances.
L’article R. 624-8 al. 3 du code de commerce dispose :
« Tout intéressé peut présenter une réclamation devant le juge-commissaire dans le délai d'un mois à compter de la publication. »
Par suite, l’article R. 624-10 al. 1° du code de commerce précise :
« Les réclamations des tiers mentionnées au dernier alinéa de l'article R. 624-8 sont formées par déclaration faite au greffe ou remise contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Elles sont mentionnées sur l'état des créances par le greffier. »
Par conséquent, le recours des tiers à l’encontre de l’ordonnance du Juge commissaire statuant sur l’admission ou le rejet des créances s’effectue :
dans le délai d’un mois suivant la publication de l’état des créances au BODACC,
devant le Juge commissaire qui a statué,
par déclaration au greffe ou pli recommandé.
Ainsi, le recours s’apparente plus à une demande de rétractation formée devant le Juge commissaire qui a statué afin de prolonger la discussion de contestation qu’à une voie de recours opérant une dévolution de la décision. Il s’agit bien d’une réclamation.
Ce n’est en effet que la décision qui statue sur la contestation élevée par le tiers qui, par suite, est susceptible d’une voie de recours ordinaire et qui plus est de droit commun, l’appel.
C’est ainsi, que l’article R. 624-10 al. 1° du code de commerce précise enfin :
« Le recours contre les décisions du juge-commissaire statuant sur une réclamation est formé devant la cour d'appel. »
Cette procédure d’exception bénéficie ainsi une nouvelle fois du triple de degré de juridiction au fond. Les deux premiers relèvent des spécificités nécessaires à la procédure collective opérée par une juridiction consulaire. Le dernier degré de juridiction au fond relève de la voie de droit commun qui ne s’anime qu’en l’état de l’élévation d’une contestation soutenue.
3. La cession d’actifs
L’article L. 642-18 du code de commerce prévoit la compétence du Juge commissaire procéder à la cession des actifs immobiliers du débiteur. Par suite, l’article L. 642-19 du même code prévoit la compétence du Juge commissaire pour ordonner la cession des actifs mobiliers du débiteur. Dans les deux cas, cette cession peut s’opérer par vente de gré à gré ou mise en vente aux enchères publiques.
En telle matière, conformément aux dispositions de l’article L. 642-19-1 du code de commerce, le recours à l’encontre des décisions Juge commissaire sont fixées par la partie règlementaire du code de commerce.
Dans le cadre d’une vente concernant un actif immobilier, l’article R. 642-37-1 du code de commerce dispose :
« Le recours contre les ordonnances du juge-commissaire rendues en application de l'article L. 642-18 est formé devant la cour d'appel. »
De même, dans le cadre d’un actif mobilier, l’article R. 642-37-3 al. 2 du code de commerce dispose :
« Les recours contre ces décisions sont formés devant la cour d'appel. »
En ce qui concerne les parties, la forme du recours est prévue par les termes de l’article R. 661-3 al. 1 du code de commerce lequel dispose :
« Sauf dispositions contraires, le délai d'appel des parties est de dix jours à compter de la notification qui leur est faite des décisions rendues en matière de mandat ad hoc, de conciliation, de sauvegarde, de redressement judiciaire, de rétablissement professionnel et de liquidation judiciaire, de responsabilité pour insuffisance d'actif, de faillite personnelle ou d'interdiction prévue à l'article L. 653-8. »
Ainsi, hors le cas du ministère public, le recours est ouvert à toutes parties à l’instance et s’effectue :
devant la Cour d’appel,
dans le délai de dix jours à compter de la notification de la décision,
par déclaration d’appel au greffe de la Cour d’appel.
Une fois encore, il est impératif, et ce, à peine d’irrecevabilité relevée d’office par la Cour d’appel, que la déclaration d’appel soit effectuée devant la Cour d’appel par la voie du RPVA, sauf à justifier d’un empêchement légitime.
4. Les avances du Trésor Public
Suivant les termes de l’article L. 663-1 du code de commerce, le Juge commissaire est compétent pour statuer par ordonnance motivée sur les demandes sollicitant l’avance par le Trésor Public des droits, taxes, redevances, émoluments et rémunérations des auxiliaires de justice.
Le recours à l’encontre de ces décision relève des termes de l’article R. 663-2 du code de commerce, lequel dispose :
« Les ordonnances du juge-commissaire, rendues en application de l'article L. 663-1, sont notifiées par le greffier aux mandataires de justice, au débiteur, au Trésor public ainsi qu'au procureur de la République. Elles peuvent faire l'objet d'un recours dans le mois suivant leur notification, par déclaration au greffe faite contre récépissé ou adressée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le recours est porté devant la cour d'appel. L'appel est formé, instruit et jugé suivant la procédure sans représentation obligatoire. Les mandataires de justice, le débiteur, le Trésor public et le ministère public qui ne sont pas appelants sont intimés. »
Le recours est donc ouvert aux parties :
devant la Cour d’appel,
dans le délai de un mois à compter de la notification de la décision,
par déclaration ou pli recommandé au greffe de la Cour d’appel.
Il ne s’agit pas d’un appel de droit commun effectué par l’intermédiaire du RPVA. De même, par suite, la procédure suivie devant la Cour d’appel est une procédure sans représentation obligatoire.
5. La substitution de sureté
En matière de demande de substitution de garantie, l’article L. 622-8 al. 3 du code de commerce dispose :
« Le débiteur peut proposer aux créanciers, la substitution aux garanties qu'ils détiennent de garanties équivalentes. En l'absence d'accord, le juge-commissaire peut ordonner cette substitution. Le recours contre cette ordonnance est porté devant la cour d'appel. »
La juridiction saisie est donc la Cour d’appel. La forme de la saisine est la déclaration d’appel par la voie électronique du RPVA. La procédure suivie devant la Cour d’appel est la procédure de droit commun.
Seul le délai pour exercer la voie de recours reste dans le champ d’application des dispositions ordinaires applicables au Juge commissaire. Conformément aux dispositions de l’article R. 661-3 du code de commerce, ce délai est de dix jours à compter de la notification de la décision.
Le recours est donc ouvert aux parties :
devant la Cour d’appel,
dans le délai de dix jours à compter de la notification de la décision,
par déclaration d’appel au greffe de la Cour d’appel.
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